Le paysage immobilier français connaît une transformation majeure avec l’entrée en vigueur de nouvelles lois et réglementations. Ces changements impactent profondément les droits et obligations des propriétaires, locataires et professionnels du secteur. Découvrez les principales évolutions qui redessinent le marché du logement et de l’immobilier en France.
La loi Climat et Résilience : vers un parc immobilier plus écologique
La loi Climat et Résilience, promulguée en août 2021, introduit des mesures ambitieuses pour lutter contre le changement climatique dans le secteur immobilier. Parmi les dispositions phares, on trouve l’interdiction progressive de la location des passoires thermiques. À partir de 2025, les logements classés G ne pourront plus être mis en location, suivis des logements F en 2028 et E en 2034.
Cette loi impose également de nouvelles obligations en matière de rénovation énergétique. Les propriétaires de logements énergivores devront réaliser des travaux d’amélioration pour atteindre au minimum la classe E d’ici 2034. « Cette mesure vise à réduire la consommation énergétique du parc immobilier français et à améliorer le confort des occupants », explique Marie Dupont, experte en droit immobilier.
La loi prévoit aussi un renforcement du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), qui devient opposable. Les propriétaires pourront être tenus responsables en cas d’informations erronées. En 2022, environ 7,2 millions de logements étaient classés F ou G, soit 17% du parc résidentiel français.
La réforme du droit des sûretés : simplification et modernisation
L’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés apporte des modifications significatives au régime des garanties immobilières. Cette réforme vise à simplifier et moderniser les mécanismes de sûretés, facilitant ainsi les transactions immobilières et l’accès au crédit.
Parmi les changements notables, on trouve la création de l’hypothèque rechargeable. Ce dispositif permet de réutiliser une hypothèque existante pour garantir de nouveaux crédits, sans avoir à en constituer une nouvelle. « Cette innovation offre plus de flexibilité aux emprunteurs et peut réduire les coûts liés aux garanties immobilières », souligne Jean Martin, notaire spécialisé en droit immobilier.
La réforme introduit également la possibilité de constituer une hypothèque pour sûreté d’obligations futures, ce qui peut s’avérer particulièrement utile dans le cadre de financements complexes ou de longue durée. En 2022, les crédits immobiliers aux particuliers représentaient un encours de 1 200 milliards d’euros en France.
L’encadrement des loyers : extension et renforcement
Le dispositif d’encadrement des loyers, initialement expérimenté à Paris et Lille, s’étend progressivement à d’autres villes françaises. Cette mesure vise à limiter les hausses de loyer dans les zones tendues et à favoriser l’accès au logement pour les ménages modestes.
Depuis 2021, de nouvelles agglomérations ont rejoint l’expérimentation, comme Lyon, Villeurbanne, Bordeaux et Montpellier. Le dispositif fixe des loyers de référence que les propriétaires ne peuvent dépasser, sauf justification particulière (logement exceptionnel, travaux importants).
« L’encadrement des loyers a permis de stabiliser les prix dans certains quartiers, mais son efficacité fait encore débat », note Sophie Leroy, économiste spécialisée dans l’immobilier. En 2022, à Paris, 35% des annonces de location dépassaient encore le loyer maximum autorisé.
La loi 3DS : décentralisation et différenciation territoriale
La loi 3DS (Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification), promulguée en février 2022, apporte des modifications importantes dans la gestion du logement social et de l’urbanisme au niveau local.
Cette loi prolonge jusqu’en 2025 le dispositif SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) qui impose aux communes un quota de logements sociaux. Elle introduit également la possibilité pour les maires de fixer des objectifs différenciés de production de logements sociaux selon les quartiers.
En matière d’urbanisme, la loi 3DS renforce les pouvoirs des maires dans la lutte contre les constructions illégales. Elle leur permet notamment de prononcer des astreintes journalières plus élevées en cas d’infraction. « Ces nouvelles dispositions donnent plus de moyens aux collectivités pour maîtriser leur développement urbain », affirme Pierre Durand, maire d’une commune de taille moyenne.
La réforme de la copropriété : vers une gestion plus efficace
L’ordonnance du 30 octobre 2019, entrée en vigueur progressivement jusqu’en 2021, apporte des modifications substantielles au droit de la copropriété. Ces changements visent à simplifier la gestion des copropriétés et à prévenir leur dégradation.
Parmi les principales nouveautés, on trouve la possibilité de tenir des assemblées générales à distance, la création d’un plan pluriannuel de travaux obligatoire pour les copropriétés de plus de 15 ans, et le renforcement des pouvoirs du conseil syndical.
La réforme introduit également la notion de parties communes spéciales, permettant une gestion plus fine des charges entre copropriétaires. « Ces évolutions devraient faciliter la prise de décision et améliorer l’entretien des immeubles », estime Carole Dubois, présidente d’une association de copropriétaires.
En France, on dénombre environ 740 000 copropriétés, représentant 9,7 millions de logements. La mise en œuvre de ces nouvelles dispositions devrait contribuer à une meilleure gestion de ce parc immobilier considérable.
Le renforcement de la lutte contre les marchands de sommeil
La loi ELAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) de 2018, complétée par des dispositions plus récentes, a renforcé l’arsenal juridique contre les marchands de sommeil. Ces propriétaires peu scrupuleux qui louent des logements insalubres ou dangereux font l’objet d’une répression accrue.
Les sanctions ont été alourdies, avec des amendes pouvant atteindre 150 000 euros et des peines d’emprisonnement jusqu’à 5 ans. Les collectivités locales disposent désormais de pouvoirs élargis pour intervenir, notamment avec la possibilité de confisquer les biens des marchands de sommeil condamnés.
« Ces mesures envoient un signal fort et devraient contribuer à assainir le marché locatif », déclare Mathilde Renard, avocate spécialisée en droit immobilier. En 2021, plus de 2 000 arrêtés d’insalubrité ont été pris en France, témoignant de l’ampleur du phénomène.
L’ensemble de ces nouvelles lois et réglementations dessine un paysage immobilier en profonde mutation. Entre exigences environnementales accrues, modernisation des outils juridiques et renforcement de la protection des locataires, le secteur fait face à des défis majeurs. Ces évolutions visent à créer un marché immobilier plus équitable, durable et adapté aux enjeux contemporains. Propriétaires, locataires et professionnels du secteur devront s’adapter à ces nouvelles règles qui redéfinissent les contours de l’immobilier en France pour les années à venir.